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ÉtudesAlors que nombre d'étudiants en architecture témoignent d'un manque d'intérêt de la part des administrations de leur école vis-à-vis de la pratique d'une activité sportive, une progressive prise de conscience émerge pour intégrer ces enjeux au cursus. Témoignages
© Ralph Ravi Kayden
© Ralph Ravi Kayden
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Quand Julie quitte sa Bretagne natale pour rejoindre la ville de Bordeaux où elle s’apprête à débuter ses études d’architecture, elle n’imagine pas qu’elle laisse derrière elle 12 ans de danse modern jazz. Après avoir trouvé un logement, s’être organisée pour les tâches quotidiennes et s'être habituée à son nouvel emploi du temps d’études à l’ENSAP Bordeaux, elle pense pouvoir rapidement reprendre une activité sportive.

«Je m’étais dit que j’allais attendre de voir le rythme des cours etc., et en fonction je comptais m’inscrire dans un club, se souvient-elle, je n’étais pas du tout inquiète de trouver des cours de danse susceptibles de me plaire dans une ville comme Bordeaux

Si la ville regorge en effet d’offres de cours collectifs, Julie n’aura pourtant pas le loisir d’en profiter au cours de ses premières années études. «J’avais déjà des à priori sur les études en école d’archi que l’on m’avait décrites comme très compliquées et prenantes, raconte-t-elle, et ça n’a pas manqué puisque je n’ai finalement pas repris le sport.»

Le sport, ce parcours du combattant

Un constat partagé par de nombreux étudiants, pour qui jongler entre activité physique, cours magistraux, travaux dirigés et atelier de projets s’apparente à un véritable parcours du combattant. Ex-étudiante et désormais diplômée de l’ENSA Nantes, Camille en a d’ailleurs fait l’expérience. Pour elle, pas question d’arrêter le sport à son arrivée en études supérieures. «J’avais prévu de continuer à faire du sport parce que ça faisait partie d’un équilibre personnel, explique-t-elle, ça allait de soi.»

© Green Chameleon

L’étudiante s’inscrit alors à des cours dispensés par la faculté de Nantes, «qui permettait de s’inscrire à l’année pour deux ou trois disciplines sportives». Si elle peut participer à tous les cours, elle en paye néanmoins «le prix fort», n’étant pas considérée aux yeux de l’administration comme pouvant bénéficier des tarifs préférentiels. «Je devais payer une centaine d’euros pour l’année, contre 15 ou 20€ pour les étudiants de l’université», se souvient Camille.

Loin d’être anodine pour certains étudiants en difficulté financière, cette différence pourrait en dissuader certains estime la jeune femme. «Bien que ça reste moins cher qu’une inscription en club, il est vrai que ça représente un coût comparé à l’offre faite aux étudiants de l'université», commente-t-elle.

Le temps libre inexistant en école d’architecture

À cette limite financière s’en ajoute pourtant d’autres, à savoir un planning d’études aussi chargé que fluctuant d’une semaine à l’autre, ne permettant pas une régularité du suivi des entrainements. Tandis que Camille privilégie les semaines post-rendus pour se rendre à ses cours de sport, elle fait figure d’exception parmi ses camarades. «J’ai commencé à assister aux cours avec plusieurs amies mais au fur et à mesure je me suis retrouvée à y aller seule», se souvient la jeune femme. En cause selon elle, une bonne dose d’organisation et de motivation sont nécessaires pour «pouvoir se dégager du temps pour autre chose que nos projets d’études».

Paris © Barthelemy De Mazenod

Pour Tonin, ancien étudiant et diplômé de l’école Paris-Belleville, le peu de temps libre dont disposent les étudiants en architecture ne leur permet pas de se consacrer pleinement à ce type d’activités extra-scolaires. «Justement du fait que tout notre emploi du temps tourne autour de la préparation de nos projets, le peu de temps libre que l’on pouvait avoir je l’utilisais pour aller voir des amis et sortir un peu des études plutôt que de faire du sport», avoue-t-il. L’étudiante à l’ENSA Rennes et Présidente de l’Union Nationale des Étudiants en Architecture et Paysage (UNEAP), Lise Le Bouille le rejoint sur ce point :

«La charge de travail en école est telle que l'on met beaucoup d'activités de côté. Y compris le sport.»

Un mal-être global des étudiants

Au manque d’activité physique «jamais évoqué au cours du cursus» selon Julie, s’ajoute ainsi un mode de vie et de travail déjà déséquilibré dont les associations étudiantes se font l’écho depuis plusieurs années. En 2017, l’UNEAP lançait une grande étude sur la santé des étudiants en architecture auprès de 5435 d’entre eux de tous établissements confondus. Et c’est là que le bât blesse.

Manque de sommeil criant, périodes de stress intense, sédentarité, mauvaise alimentation troubles du comportement… : les résultats de l’enquête sont accablants et font état d’une santé mentale et physique globalement précaire de cette population étudiante.

© Tim Gouw

Au total, pas moins de 66,5% des étudiants interrogés affirment l’existence d’une «véritable culture de la charrette» dans les écoles, consistant à se retrouver dans des situations de travail intense jusqu’au dernier moment et considérée comme «épuisante, éprouvante et banalisée». «Les étudiants en école d'architecture vont mal, et le manque de pratique sportive participe à ce malaise», commente Lise Le Bouille. «Le manque d'intérêt de l'école par rapport au sport traduit un manque d'investissement global dans toute la vie associative de ses étudiants et les à-côtés des études», renchérit Camille.

Depuis, le ministère de la Culture s’est saisi de la question et travaille de concert avec l’UNEAP sur des pistes de réflexion à long terme. Parmi elles, sont envisagées l’intégration d’une activité sportive au cursus, l’intégration de temps consacrées à la pratique d’une activité physique dans l’emploi du temps ou encore l’installation d’équipements sportifs dans l’enceinte des écoles.

Des initiatives étudiantes

Toutes ces solutions pourraient ainsi venir offrir un cadre légal à des initiatives étudiantes qui, depuis plusieurs années, se multiplient au sein des écoles pour favoriser la pratique sportive. Lucille Rambaud, étudiante à l’ENSA Lyon a notamment participé à ces dynamiques. Passionnée de rugby depuis sa plus tendre enfance, elle continue sa pratique à son arrivée en école d’architecture, bien qu’aucun cours ne soit dispensé. «Quand je suis arrivée en première année, nous n'avions aucune association sportive, se souvient-elle, il n'y avait aucune structure ou communication pour permettre aux étudiants la pratique d'un sport.»

Séance de sport en extérieur © Gabin Vallet

Elle décide alors, comme plusieurs de ses camarades, de se rapprocher de l’école d’ingénieur qui dispose déjà d’équipements sportifs, de professeurs et de cours auxquels elle peut participer. «À cette époque, nous n'avions aucune infrastructure, ni même de professeurs ou de créneaux horaires pour proposer du sport aux étudiants», renchérit Lucille.

Rapidement, l’étudiante décide alors de créer le bureau du sport, en partie appuyée par son administration, pour encourager la pratique de l’activité physique au sein de l’école et permettre au plus grand nombre d’accéder aux services déjà proposés par d’autres structures.

«Notre objectif était de servir d'intermédiaires entre les associations et administrations pour pouvoir faire profiter les étudiants de l'ENSA de l'organisation des cours sportifs de l'école d’ingénieurs.»

Du sport au quotidien

Une initiative qui en appelle d’autres selon la jeune femme, qui note une nette évolution dans la «place accordée au sport en école d'architecture» ces dernières années. «Les associations sportives ont de plus en plus de poids au sein des écoles, certaines sont très motivées et continuent d'être actives, essentiellement en ligne, même en période de crise sanitaire», assure-t-elle.

Désormais Présidente de la Fédération Sportive des Écoles d’Architecture, l’étudiante entretient en effet des liens réguliers avec ces dernières notamment dans le cadre de l’organisation de deux événements d’envergure nationale : les Archipiades et Archiglisse. Ces deux rendez-vous, l’un se tient à la fin du printemps et l’autre en hiver, invitent ainsi les étudiants des 22 écoles d’architecture françaises à partager un moment aussi sportif que festif autour de diverses disciplines. Mais l’étudiante prévient : «Notre ambition n’est pas seulement d’organiser des événements inter-écoles ponctuels mais bien de travailler toute l’année à la sensibilisation des directeurs des écoles à la place du sport dans les études. C’est un élément essentiel au bon équilibre des étudiants

Cet article était initialement publié le 8 mars 2021.

Marie Crabié