De son voyage initiatique réalisé en 1965 à son projet grandiose de l’île de Naoshima, le Centre Pompidou revient jusqu'au 31 décembre sur l’immense œuvre de l’architecte japonais Tadao Ando dans une exposition rétrospective singulière.
Mêlant ses influences européennes acquises au cours de ses voyages aux traditions et coutumes japonaises, Tadao Ando interroge les raisons d’être de l’architecture notamment dans son rapport au corps et à la matière.
Portrait Tadao Ando - Photo : Kazumi Kurigami - Centre Pompidou
C’est avec le béton, matériau phare de ses créations que l’architecte intègre au sein de ses volumes, les notions de temps et de lumière qui révèlent les formes primitives de l’espace.
Volumes, temps et lumière
C’est sur ces grands principes qui ont orientés la réflexion et l’ouvrage de l’homme, que débute l’exposition. Un ensemble de croquis et de maquettes viennent compléter les photographies monochromes des premières réalisations de l’architecte : une série de maisons basses (Maisons Azuma à Sumiyoshi, 1976) conçues dans son pays d’origine, le Japon.
D'abord mal comprises par ses contemporains, ces maisons ne seront vraiment reconnues qu'à partir de 1985, tandis que Tadao Ando reçoit la Médaille Alvar Aalto. Suivra ensuite une autre récompense de plus grande ampleur, le prix Pritzker, dont il est lauréat en 1995.
Espace de méditation, UNESCO, 1995 - Photo : Tadao Ando - Centre Pompidou
Entre le corps et l'habitat, Tadao Ando ne fait aucune distinction : la maison se fait espace interstitiel pour l’homme, elle se transforme en un lieu public partagé et donne vie à l’architecture.
Fidèle à ces principes, l’exposition se décline sous plusieurs sections qui présentent les aspects fondamentaux du travail d'Ando dans un univers de circulation ouvert qui laisse passer la lumière.
L'architecture et la nature
Le cheminement de pensée de Tadao Ando vers un rapprochement entre l’architecture et la nature emporte le visiteur vers la suite de l'exposition, qui présente des réalisations qui font particulièrement corps avec leur environnement.
Ce rapport fondamental à la nature amène l'architecte à s’interroger sur la reconstruction des paysages en intégrant dans ses ouvrages, des éléments naturels primaires comme la roche ou l’eau.
Il multiplie bientôt les réalisations pénétrées d’espaces et de circulations souterrains et propose une nouvelle expérience sensitive, comme avec le Temple de l'eau sur l'île Awajishima, situé en-dessous du niveau d'un plan d'eau.
Colline du Bouddha, 2015 - Shigeo Ogawa - Centre Pompidou
Un peu plus loin, l'exposition présente une des réalisations majeures de Tadao Ando, où il entreprend le pari fou de remodeler toute la topographie de l’île de Naoshima, située au sud du Japon. Un timelapse réalisé pour l'occasion revient sur la construction progressive de la colline du Bouddha, autour d'une statue présente initialement.
Le trait de l'architecte
A l'image des dernières expositions monographiques d'architectes présentées au Centre Pompidou, la scénographie reste ici assez sobre.
Outre l'immersion proposée au sein d'une installation de plan oval, où sont notamment projetées des images gigantesques, le regard du visiteur est attiré avant tout sur les projets de Tadao Ando, représentés en maquette, notamment de grandes tailles et en béton, en vidéo, croquis et autres photographies.
Musée d'art de Chichu, 2004 - Photo : Tadao Ando Architect & Associates - Centre Pompidou
Le "trait" de l'architecte, qui avait été si bien valorisé par les esquisses de Frank Gehry montrées ici-même en 2014, se retrouve aujourd'hui avant tout dans les grands dessins minutieux réalisés au crayon.
C'était sans compter sur les facéties de Tadao Ando, qui ont offert encore à l'exposition un nouveau degré de lecture. Marqueur bleu en main lors des premières présentations de l'exposition, l'architecte s'est empressé de rajouter des dizaines de croquis imprévus à même les cimaises du Centre Pompidou.
Les croquis de Tadao Ando improvisés sur les cimaises du @CentrePompidou : l’expo dans l’expo pic.twitter.com/CkhW1VOz31
— David Abittan (@david_abittan) 9 octobre 2018
Autant que les bâtiments présentés, la Galerie 3 du musée devient elle-même d'autant plus un véritable espace de liberté. Portées par un air de piano, les œuvres se répondent dans un ensemble cohérent et fluide pour le visiteur, qu’il soit amateur ou averti.