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La ville d'aprèsBénéficier d'un espace en plein air deviendra-t-il une priorité pour acheter ? Nos bureaux seront-ils plus optimisés, nos villes plus ouvertes ? Voici notre revue de presse de ces dernières semaines qui s'intéresse à nos manières d'habiter et d'adapter nos villes, nos logements et nos architectures à l'issue prochaine du confinement.
A girl waits for a North bound Red Line train. South Loop - Chicago, IL © vonderauvisuals (CC BY-NC-ND 2.0)
A girl waits for a North bound Red Line train. South Loop - Chicago, IL © vonderauvisuals (CC BY-NC-ND 2.0)
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Marc et Nathalie se sont installés dans la Sarthe en 2015, quittant ainsi leur appartement parisien pour une grande maison avec jardin. Avec l’espace dont ils bénéficient, ils ont également aménagé 4 gîtes avec chacun leur atelier d’artiste, un jardin potager et un verger.

Interrogée par Isabelle Rey-Lefebvre pour Le Monde, Nathalie raconte : «À la campagne, tout est plus facile : les relations avec les artisans, avec qui nous travaillons beaucoup, comme avec la banque ou l’office local du tourisme, par exemple, sont simples, efficaces et fiables. On a oublié la tension qui rend difficile la vie dans la capitale, poursuit-elle. Un couple est ici, en ce moment, confiné depuis un mois et jusqu’au 11 mai, et il commence à remettre en question son projet d’achat d’un appartement à Paris…»

Sans titre © victortsu (CC BY-NC 2.0)

Quitter la ville pour se mettre définitivement au vert, les français y pensent-ils vraiment en cette période de confinement ? Si la demande immobilière, en hausse pour les maisons individuelles depuis le 17 mars selon les informations rapportées par Le Monde semble confirmer cette tendance, elle remonterait toutefois à la fin 2018 alors que les manifestations des gilets jaunes, les grèves à répétition et les épisodes de canicule rendaient la vie urbaine bien moins supportable que d’ordinaire estime le quotidien.

Un schéma urbanistique à revoir

Qualité du logement et des espaces publics, densité des villes, mobilités, présence du vivant : pour de nombreux architectes, la situation actuelle ne fait que renforcer des opinions déjà formulées sur l'aménagement urbain. «Ce que nous dit cette crise sanitaire, c’est que, depuis 150 ans, on a trop concentré les gens en ville, avance l’architecte Simon Morville au micro de France 3Je pense que nous sommes arrivés à un point où il faut redonner un sens au territoire rural, et inciter les populations à un retour à la campagne, en proposant un réel projet».

Selon lui, l’architecture constitue aujourd’hui une piste pour explorer des modes de vie ou des pratiques plus autonomes et plus ancrées dans un modèle économique de production locale. «Elle peut être le moyen d’organiser la diversité et la mixité. Elle doit reposer sur ces principes essentiels pour générer du lien.»

Des liens à distance

Des liens familiaux, intergénérationnels et entre voisins qui, s’ils se trouvent entravés par l’obligation de distance sociale, n’en demeurent pas moins forts en cette période de confinement. Musiciens, danseurs, comédiens ou simplement spectateurs, les initiatives des uns et des autres pour faire vivre les rues désertées des villes depuis balcons et fenêtres se sont multipliés au fil des semaines.

«Mon voisin du dessus fait des bulles avec sa fille, d’autres font des percussions avec leurs ustensiles de cuisine. Tu peux crier avec la musique, ça fait du bien. Il y a des familles avec enfants, des gens isolés. C'est un moment vraiment festif», raconte Stéphanie pour France 3 en référence au rendez-vous quotidien d'applaudissement des soignants à 20h.

Aplausos © Julen Landa (CC BY-NC-ND 2.0)

Contacté par nos soins, l’architecte et docteur en anthropologie sociale et historique Christian Moley a lui aussi vu ses échanges avec ses voisins se multiplier ces dernières semaines. «La situation occasionne des échanges de vues et de signes de main avec des gens que l’on ne connaissait pas forcément avant le confinement, raconte-t-il, et je pense que nous serons amenés à poursuivre ces échanges. Ce nouveau rythme fait que l’on s’inquiète un peu plus les uns des autres.»

Nos corps et la rue

Outre-atlantique où le confinement n’est pas à l’ordre du jour dans tous les états, c’est à un autre spectacle urbain qu’assiste la spécialiste de la danse Gia Kourlas. «Ce dont on ne peut pas se débarrasser – surtout dans la rue –, c’est la protection et la grâce que nous offre la distanciation sociale, explique-t-elle pour The New-York Times. La pandémie a produit quelque chose de fascinant : une nouvelle façon de se mouvoir, une nouvelle façon de danser dans la rue.»

Celle qui s’émerveille de voir ainsi se dessiner une nouvelle chorégraphie urbaine, déplore pourtant «à quel point [certains] sont oublieux de leur corps dans l’espace, et Gia Kourlas de préciser : lorsque vous sortez, vous ne devez pas seulement être responsable pour vous-mêmes. Nous sommes tous dans la même situation, et tout mouvement est soumis à une éthique et entraîne des conséquences, telles sont les règles chorégraphiques de ces temps d’épidémie.»

Des comportements qui selon l'architecte Simon Morville resté à Paris, «frôlent parfois la paranoïa» :

« La contagion du virus nous conduit à adopter de nouvelles postures. La suspicion du prochain se fait sentir de manière très sensible à chaque sortie dans la rue. »

De nouvelles normes pour l’espace public

Remettrons-nous alors en cause, une fois le processus de déconfinement amorcé, l’étroitesse des trottoirs de nos centres-villes anciens qui rend caduques les règles de distanciation sociale imposées actuellement par les autorités ? Comment combinerons-nous les différentes logiques de déplacement dans l’espace public ?

Autant d'interrogations que Christian Moley a en tête pour l’après : «Les files d’attente, l’attente au feu piéton, les attroupements des parents à la sortie des écoles, tous ces rassemblements statiques vont possiblement devoir être réorganisés pour respecter l’exigence de distances sociales.»

Down stairs © VirtualWolf (CC BY-SA 2.0)

Non seulement pour la rue, les réflexions sur la réorganisation de nos mobilités concernent aussi nos parcs et autres espaces publics de plein air fermés jusqu'à nouvel ordre en France. Chez nos voisins les autrichiens, le duo d'architectes du studio Precht a ainsi déjà imaginé «ce que pourrait être le parc de l’après-confinement», apprend-on via BFMTV.

«Oubliées les grandes pelouses, le parc se dessine comme un labyrinthe : des allées parallèles accessibles à une seule personne à la fois. […] Les visiteurs sont séparés par une haie, les quelques mètres de distanciation sociale sont donc respectés. Le nom de ce projet est tout trouvé. Ses concepteurs l'ont baptisé Parc de la distance.»

Le bureau à la maison

À côté des espaces publics, les lieux de travail désertés depuis le 16 mars pourraient bien, eux-aussi, sortir bouleversés de cette crise dans leur conception mais aussi leurs usages estiment Les Échos. «Tout cet épisode angoissant et douloureux lié à l'épidémie de coronavirus va évidemment bousculer nos modes de travail, appuie la directrice des études France chez Cushman & Wakefield, Magali Marton. Il va y avoir une vraie réflexion à mener sur les open spaces, pour recomposer des équipes sur ces grands plateaux, tout en limitant les nuisances.»

Recourir davantage au télétravail, c'est aussi une piste envisagée par de nombreuses entreprises nous apprend l'experte. Pourtant, comme le démontre Opinionway à travers une étude menée pendant les deuxième et la troisième semaines de confinement sur un échantillon représentatif de 2 000 personnes, une telle organisation ne convient pas à tous, loin de là.

France Inter s'est fait l’écho de cette étude et dévoile que pas moins de «18 % des télétravailleurs confinés présentent des signes de troubles mentaux sévères, anxieux, voire dépressifs. Un chiffre qui augmente encore pour les personnes confinées en couple (20 %) ou avec un enfant (22 %).»

Woman working at home © Lyncconf Games (CC BY 2.0)

Le site d’information rappelle que «bien entendu, le type de logement joue aussi beaucoup : près d'un quart des salariés qui vivent dans un logement de moins de 40 m² sont dans une détresse psychologique élevée.» Dans un tel contexte, l’architecte Nicolas Ruiz du studio HNA a décidé de proposer ses services pour, dit-il «mieux vivre 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 chez soi.»

Pour 20 minutes et Neon Mag, le professionnel souligne ainsi plusieurs points sur lesquels il travaille avec les personnes qui le contactent au premier rang desquelles le rangement car selon lui, «une grande partie de la perception de l’espace est visuelle avant d’être spatiale, un espace dégagé donne une impression de volume». Viennent ensuite la délimitation des espaces, ou plus surprenant le simple fait d'«avoir un projet» :

«Transformer son salon en changeant la disposition des meubles peut faire du bien, même si l’aménagement n’est pas problématique. Cela donne des choses à faire, une perspective de changement et cela donne l’impression de ne plus tourner en rond chez soi.»

Marie Crabié