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ActualitéPatrick Bouchain, Philippe Madec, Nicola Delon de l'agence Encore Heureux et d'autres grands noms de l'architecture ont diffusé la semaine dernière une tribune et une pétition pour défendre "l'expérience d'avenir" menée par les occupants de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes. Ils organisaient ce matin une conférence de presse à Paris.
La cabane des 100 noms, haut lieu des projets agricoles de la ZAD, détruite le lundi 9 avril 2018 - Photo : Cyrille Weiner
La cabane des 100 noms, haut lieu des projets agricoles de la ZAD, détruite le lundi 9 avril 2018 - Photo : Cyrille Weiner
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Face à l’imminence de la destruction de près de la moitié des cabanes de la zone, une centaine de professionnels et de collectifs ont appelé à la préservation des « formes d’organisation collectives » mises en places durant ces dix dernières années de défense de la zone.

Parmi les premiers signataires, on retrouve des figures emblématiques de la réflexion actuelle en architecture : Patrick Bouchain, Nicola Delon (Encore Heureux), le Collectif ETC, Thierry Paquot, Philippe Madec, Dominique Gauzin-Müller et Alain Bornarel (ces trois derniers sont également co-signataires du manifeste pour une frugalité heureuse).

Au-delà de la lutte contre le projet d'aéroport

Plus que la notion de lutte contre le projet d’aéroport, avorté en janvier 2018, les signataires à l’origine de la tribune s’intéressent aux constructions de la ZAD, qu’ils considèrent comme une « expérimentation grandeur nature et à long terme [qui] amène chacun à évoluer dans ses représentations et ses pratiques, bien au-delà de ce bocage. ».

La tribune était accompagnée d’une pétition, mise en ligne elle aussi le 6 avril. En moins d’une semaine, elle compte déjà plus de 30 000 signatures, sans pour autant avoir été diffusée sur des grands médias d’architecture ou des médias nationaux. Aujourd’hui, quelques signataires emblématiques donnaient une conférence de presse à la Colonie, dans le 10è arrondissement de Paris, pour affirmer leur positions, et réagir aux récentes déconstructions.

S’engager maintenant pour la défense de ce qui reste

Contacté par téléphone avant la conférence de presse, Christophe Laurens, architecte, paysagiste, et coordinateur du DSAA Alternatives urbaines (Dîplome Supérieur d’Arts Appliqués) de Vitry-sur-Seine, insiste sur la nécessité de s’engager maintenant pour la défense de ce qui reste, et contre l’expulsion de la ZAD :

“Malgré la violence de l’intervention qui a surpris tout le monde, ça reste une petite chose qui ne menace pas l’ensemble du projet.”

Les projets développés sur le territoire constituent pour le collectif une expérimentation d’une nouvelle manière d’habiter la terre ensemble, tout en mêlant directement les sujets agricoles, écologiques, politiques et anthropologiques.

Aujourd’hui, ce projet porté par une « centaine de personnes sur une centaine d’hectares » a, aux yeux des architectes signataires, valeur d’expérimentation pour une future vie agro-écologique qui s’articule avec les métropoles.

Ces projets ne rentrent pas dans les cadres proposés par le gouvernement, car les occupants des terrains ne souhaitent pas avoir un mode de fonctionnement classique de cloisonnement des projets et des parcelles, mais préfèrent raisonner en commun.

Pour Christophe Laurens, le mouvement demande avant tout à donner plus de temps à la négociation "pour la mise en place du projet collectif qui est en train de s'élaborer" :

“C'est un projet complexe, parce qu’il y a des question agricoles, juridiques, écologiques et diverses qui s’entremêlent.”

Des enjeux que les zadistes refusent de traiter séparément, rappelle l'architecte, au même titre qu'il souhaitent une réflexion globale et non "parcelle par parcelle".

Un projet agro-écologique masqué par la mauvaise image de la ZAD

Le collectif déplore aujourd’hui la mauvaise représentation de la ZAD et des ses occupants dans les médias. Interrogé sur cette question, Christophe Laurens déplore l’image qui fait écran au véritable projet agro-écologique porté sur ce territoire.

Des solutions sont aujourd’hui possibles pour permettre aux occupants de rester sur les terres. La majorité des terrains appartiennent à l’État, suite aux expropriations pour la construction de l’aéroport Grand ouest. Lors de la conférence de presse, Patrick Bouchain avance l’exemple de la friche de la belle de mai :

“A Marseille, on a eu un bail emphytéotique de 4,5 hectare pour 35 ans. Donc pendant 35 ans, les gens qui occupent la friche de la belle de mai ne peuvent pas être mis dehors.”

DR - via change.org/u/868077970

L'architecte, initiateur de la transformation de la friche industrielle marseillaise en un lieu culturel désormais incontournable précise que le bail d'occupation avait été signé majoritairement par le conseil municipal, "car le conseil municipal ne voulait pas prendre en charge un squat". Il justifie alors la nécessité de s'intéresser maintenant au sort de l'actuelle Zone A Défendre, avant que l'expulsion des militants ne fasse prendre de la valeur aux terrains :

“Il faut profiter de ce moment où le terrain a une non-valeur, et où nous nous voyons une valeur cachée, pour prendre possession de ces valeurs cachées, en nous protégeant pour un temps.”

Documenter les modes de vies et les mises en oeuvres par un relevé

Après le temps de la prise de position se pose la question de l’action. Comment réagir face aux expulsions et aux destructions par le gouvernement, et comment rétablir un dialogue dans le sens de l’expérimentation ?

Avec ses étudiants du DSAA Alternatives urbaines, Christophe Laurens est allé effectuer un relevé architectural des cabanes construites sur la ZAD, pour documenter les modes de vies et les mises en œuvres. Cela constitue une première étape dans une démarche de transmission et de mise en valeur de l’occupation de la ZAD.

Se posent également les questions de la reconstruction des espaces détruits ces derniers jours, de la réinstallation sur la ZAD, et de l’inscription des projets en cours dans des démarches légales ou non. Pour Nicolas Delon, c'est l'action d'aujourd'hui qui peut rendre les démarches légales par la suite :

“Le droit est toujours en retard sur la société, et ce depuis l’histoire du droit. Donc on se doit collectivement d’avoir des têtes chercheuses […] qui vont faire changer la société et donc qui vont faire changer le droit.”

Jacob Durand