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VisitePar les peintures de Van Gogh, Pissarro ou Cézanne, sans forcément y prêter attention, nous avons tous vu une représentation d'Auvers-sur-Oise. Alors que l'office de tourisme ouvre sa "saison touristique", le patrimoine pictural de la ville est au coeur de leur communication.
Champ de blé à Auveres-sur-Oise - Erik Hesmerg -  Avec l'autorisation de l'Office de Tourisme d'Auvers-sur-Oise
Champ de blé à Auveres-sur-Oise - Erik Hesmerg - Avec l'autorisation de l'Office de Tourisme d'Auvers-sur-Oise
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Son nom ne nous dit pas forcément grand-chose, et pourtant... Nous avons tous déjà vu, sur une affiche d'exposition ou sur un tableau, ce lieu où des artistes parmi les plus connus ont représenté des paysages, l’église sur la place ou une sommité qui y a séjourné. Auvers-sur-Oise est célèbre pour ce qu’en ont laissé des peintres en héritage : le début et l’évolution d’un mouvement pictural.

Auvers-sur-Oise et ses peintres

La Normandie a fortement attiré les peintres : d’un côté, la plaine et la forêt, de l’autre, le littoral et la mer. Et partout, une lumière, jamais la même. Ceux-là ont découvert la façon dont William Turner présentait les effets de lumière sur la toile, ils se sont inspirés de la manière dont Jean-Baptiste Camille Corot peignait ses paysages.

Marqués par l’accélération du progrès, sensibles à la découverte de la photographie dans la deuxième partie du dix-neuvième siècle, ils sont allés au-delà de leurs modèles dans leur réflexion.

Toujours à la recherche de vues et de sites encore préservés de la révolution industrielle, ces paysagistes sont descendus le long des méandres de la Seine, ils ont exploré les campagnes alentours et se sont installés dans le Val d’Oise, autour de Paris, et en Seine et Marne.

Ils ont immortalisé des villages qui, aujourd’hui encore, tirent leur notoriété de leur passage. Auvers sur Oise fait partie de ceux-là.

Auvers-sur-Oise vu ciel - Avec l'autorisation de l'Office de Tourisme d'Auvers-sur-Oise

Charles-François Daubigny est le premier à s’y être installé. Il y a invité ses amis et ensemble, ils ont formé ce que les brochures aiment aujourd'hui à nommer «  le premier foyer artistique du village ».

Camille Pissarro, Paul Cézanne et ensuite Vincent Van Gogh sont aussi passés par là. Ils y ont marqué l’endroit, chacun selon sa perception, et c’est ce qu’ils en ont laissé qui refait vivre tout un passé : des tableaux, des portraits ou des lieux.

Le témoignage de l’évolution d’un mouvement pictural

Au niveau de la peinture, la ville d’Auvers est d’autant plus intéressante, que les artistes ont laissé, sur leur toile, le témoignage de leur réflexion.

C’est-à-dire que ces peintres ont cherché leur inspiration non plus dans les sujets historiques ou mythologiques mais dans leur environnement immédiat. Ils ont installé leur palette à l’extérieur et ont reproduit la nature comme ils la voyaient. Ils en ont saisi des moments éphémères, étudié les effets produits par la lumière à différents moments de la journée, en jouant avec la couleur.

Cette nouvelle technique picturale a pris le nom d’Impressionnisme, une appellation péjorative pour la critique qui ne s’y retrouvait pas dans ces motifs estompés et ces touches de gouache sur la palette.

La Neige - Charles-François Daubigny - Avec l'autorisation de l'Office de Tourisme d'Auvers-sur-Oise

Les impressionnistes ont peint des paysages avec le souci permanent de parvenir à représenter le plus justement la vision qu'ils en avaient, eux. "Je me disais aussi, puisque je suis impressionné, il doit y avoir de l'impression là-dedans." disait Monet, Ils n’ont cependant pas exprimé de la même manière la sensation qu’ils éprouvaient.

Avec le temps, leur palette s’est éclaircie et progressivement leur technique picturale s’est modifiée. Ils ont créé un nouveau mode de représentation artistique qui allait de plus en plus abandonner la représentation strictement figurative.

Exprimer l’émotion qui est suscitée par ce qui est vu

Dans «  la neige » de Daubigny en 1873, les contours sont flous, le blanc éclatant de la neige est étendu sur la moitié de la toile et contraste avec le noir des arbres squelettiques, le gris du ciel n’est plus uniforme, rehaussé de petites touches de couleurs.

Chez Cézanne, aux contacts de son ami Pissarro qu’il admire, la touche est plus légère, la palette plus claire. Dans « La maison du pendu » (1873), les contours sont plus marqués, les formes sont simplifiées et c’est la composition des éléments qui donne de la profondeur au tableau.

L'église d'Auvers-sur-Oise, vue du chevet - Vincent Van Gogh - Avec l'autorisation de l'Office de Tourisme d'Auvers-sur-Oise

Quant à la peinture de Van Gogh (1890), elle ne rend plus l’impression d’une réalité, en témoignent sa peinture de « Chaumes de Cordeville à Auvers sur Oise » en 1890. Comme ses prédécesseurs, il utilise des couleurs vives mais, à sa manière, pour exprimer l’émotion qui est suscitée par ce qu’il voit.

Valoriser un « âge d'or » de la peinture

La ville d'Auvers sur Oise, à travers son office de tourisme, ouvre chaque année sa "saison touristique" en insistant sur cet « âge d'or » de la peinture. Une période précisément définie est ainsi mise en avant, autant que le paysage qui constitue un élément de patrimoine, et bien sûr l'aspect rural du lieu qui en a fait son charme à la fin du 19ème siècle.

Les lieux de mémoire ont ainsi été sauvegardés, presque figés à une époque particulière. L’auberge Ravoux, où Van Gogh a vécu ses derniers moments, est ouverte à la visite, ainsi que les ateliers de Charles-François Daubigny et ceux d’Emile Boggio.

Auberge Ravoux - Erik Hesmerg - Avec l'autorisation de l'Office de Tourisme d'Auvers-sur-Oise

Chacun de ces endroits renferme une trace du passage de ces peintres : la chaise jaune dans la chambre de Van Gogh, des murs de peintures dans l’atelier de Daubigny, des toiles de paysage dans celui du peintre Boggio.

L’ambiance des cafés de l’époque est rappelée sur les affiches à l’intérieur du Musée de l’absinthe, où plusieurs accessoires liés à la préparation de cette boisson sont exposés.

La maison du Docteur Gachet, le célèbre médecin proche des Impressionnistes et très lié à Van Gogh qui en a fait le portrait en 1890, dévoile une série de dessins de malades atteints de démence ainsi que ses recherches pour y expérimenter des traitements naturels.

Atelier Daubigny - Avec l'autorisation de l'Office de Tourisme d'Auvers-sur-Oise

Tout est donc fait pour aider les visiteurs à baigner dans une prétendue "authenticité" de cet héritage culturel. C’est la présence du public qui permet de faire vivre ces richesses dans le temps mais c’est aussi, pour la ville, une occasion de faire découvrir des endroits qui auraient pu être laissés à l’abandon.

La nostalgie d’un passé idéalisé ne déplait pas forcément et l’intérêt du public pour la peinture, participent au succès de la démarche.

Trois lieux labellisés «Maisons des Illustres»

Plus encore, la plupart des lieux de mémoire ont été inscrits ou classés aux monuments historiques et trois d’entre eux ont été labellisés « Maisons des Illustres » par le Ministère de la Culture et de la Communication - une étiquette qui valorise « la conservation et la transmission de la mémoire des hommes qui les ont habités » : la maison-atelier de Charles-François Daubigny, , la maison-atelier Emile Boggio, et la maison du Docteur Gachet.

La labellisation constitue une reconnaissance mais un patrimoine ne peut survivre que s’il est connu et visité, et pour cela, il doit être accessible à tous au sens large du terme. C’est là que tourisme joue son rôle, celui de créer l’évènement pour susciter la curiosité.

A l'image par exemple, de la célébration du bicentenaire de la naissance de Charles-François Daubigny l’an dernier ou de l’accueil chaque année d’un Festival de musique, dans l’église peinte par Van Gogh.

Sur les pas des Illustres : aux sources de l’Impressionnisme - Affiche de la saison

L’essentiel et le plus porteur reste toutefois l’élaboration d'itinéraires touristiques pour la visite des sites les plus importants, et, récemment, la modernisation de la scénographie du musée.

Au Château, l’histoire de l’Impressionnisme est retracée depuis ses prémices jusqu’à ses prolongements. Les œuvres sont virtuelles et le visiteur suit un parcours chronologique, attiré dans chaque salle par d’immenses projections qui défilent sur les murs autour de lui.

Une clé de lecture pour découvrir l’Impressionnisme autrement, le souci de conjuguer plaisir et pédagogie, un moyen de connaitre le patrimoine, à l’image des récentes rénovations de musées à travers la France.

Nicole Hayat